La rentrée marque un tournant pour la Réserve fédérale américaine (Fed). Le scénario sur les taux évolue lui aussi.

Alors que la Fed s’apprête à entamer le deuxième acte de son cycle de réduction des taux, les incertitudes sur la trajectoire monétaire se dissipent. Son virage accommodant à venir, allié à une collaboration renforcée avec le Trésor américain, nous conduit à réviser notre scénario sur le rendement du bon du Trésor à 10 ans: d’un objectif prudent de 5% à une fourchette de 3,5-4,5% sur les 12 à 18 prochains mois. La nouvelle donne sur les taux, combinée à la résilience de l’économie américaine portée par une relance budgétaire coordonnée, renforce l’attrait du crédit.

La Fed sous l’influence de Donald Trump

Traditionnellement indépendante, la Fed fait désormais l’objet de pressions de Donald Trump, qui cherche à l’aligner sur les objectifs de l’exécutif, à savoir abaisser les taux afin de réduire le coût du service de la dette d’USD 1’000 milliards annuels, soit 3,3% du PIB, mais aussi favoriser l’accession au logement et stimuler la croissance. Il plaide publiquement pour des baisses agressives, soutenu par son secrétaire au Trésor, Scott Bessent, qui vise un rendement à 10 ans proche de 3%.

En juillet, deux gouverneurs de la Fed nommés par Donald Trump ont voté, contre la ligne majoritaire, en faveur de baisses, un fait inédit depuis des années. Il a ensuite nommé Stephen Miran, partisan d’un assouplissement marqué, en remplacement d’Adriana Kugler, puis limogé la gouverneure Lisa Cook, accusée de fraudes hypothécaires. Alors que la procédure judiciaire est en cours, Donald Trump pourrait pourvoir un nouveau siège. Enfin, il s’apprête à désigner le successeur de Jerome Powell, avec trois candidats pressentis: Christopher Waller, Kevin Warsh et Kevin Hassett, tous opposés à Jerome Powell, et favorables à une politique de taux plus bas.

L’un des enjeux clés des prochains mois réside dans la collaboration entre la Fed et le Trésor afin de contenir les rendements obligataires de long terme. Plusieurs solutions sont évoquées: ajuster le taux directeur sur l’inflation (et non plus 1% au-dessus), suspendre le resserrement quantitatif («quantitative tightening») et réinvestir les échéances dans des bons du Trésor à long terme, ajuster le ratio de levier supplémentaire (SLR) pour stimuler la demande en obligations longues, voire relancer l’assouplissement quantitatif; l’objectif est d’éviter une envolée des taux telle que celle du bon du Trésor à 10 ans, passé de 3,6% à 4,8%, à la suite de la coupe surprise de 50 points de base (pb) en septembre 2024.

Révision du scénario sur les taux

Avec un taux directeur actuellement à 4,25-4,50%, le marché estime à 97% la probabilité d’une baisse de 25 pb lors de la prochaine réunion de la Fed, le 17 septembre, en raison du récent ralentissement du marché du travail. Cette trajectoire, que nous validons, contraste avec la position de la Fed du début d’année, qui était alors réticente à assouplir sa politique monétaire face aux pressions sur les prix et à l’instauration de droits de douane records en quelques semaines.

La tendance est devenue évidente: Donald Trump gagne en influence sur la Fed pour obtenir des taux plus bas à court terme. Notre scénario table sur deux baisses en 2025, puis quatre en 2026, ce qui ramènerait le taux directeur dans une fourchette de 2,75-3,00%. Cette trajectoire suppose un atterrissage en douceur et une inflation tarifaire transitoire revenue à 2,5% d’ici à la mi-2026.

Après avoir ciblé, début 2025, un rendement du bon du Trésor à 10 ans de 5%, avec des risques de dépassement, par crainte d’un endettement public excessif et d’une dérive budgétaire, notre scénario prévoit désormais une fourchette de 3,5-4,5% sur 12 à 18 mois, contre 4,20% actuellement, en reléguant le risque de dépassement durable au rang d’événement extrême. Cette révision s’appuie sur un atterrissage en douceur de l’économie, une inflation modérée, la volonté de mainmise croissante de Donald Trump sur la Fed et une coordination Fed-Trésor. Le contexte énergétique joue également en faveur d’une détente des taux. Les prix du pétrole devraient rester contenus, au vu de la diplomatie moyen-orientale du président américain, de l’assouplissement de la réglementation aux Etats-Unis, et de la perspective d’un cessez-le-feu en Ukraine.

Cependant, deux grands risques pourraient fragiliser ce scénario: une inflation persistante alimentée par les taxes douanières et par l’ampleur des déficits publics, qui pousseraient les taux à la hausse; ainsi qu’une détérioration de la conjoncture, qui se traduirait par un écartement des spreads du fait d’une montée des incertitudes et des défauts de paiement.


Les opinions exprimées sont celles en date du 04.09.2025 et sont susceptibles d’évoluer sans préavis. Toutes prévisions ou prédictions, fournies le cas échéant, sont uniquement indicatives et ne sauraient être garanties d’une quelconque manière.