L’accès de volatilité qui, en février dernier, a fait trébucher brutalement les actions, relève d’un accident technique plus que systémique, mais est révélateur du nouveau mode d’évolution des marchés. En effet, les craintes quant à des tensions inflationnistes, telles que perçues par les investisseurs, ont suscité un choc de volatilité de même nature que celui observé en Chine à l’été 2015, alors que la liquidité et la profondeur des marchés actions a beaucoup diminué ces derniers trimestres. Cette interprétation a donné lieu à des débouclements vendeurs de volatilité, qui ont eu des répercussions immédiates sur les cours des actifs. Ce type de séquence pourrait se répéter, confirmant la sortie du régime de volatilité exceptionnellement basse observé en 2017.
Sur le plan macroéconomique, les craintes d’excès inflationniste sont à relativiser et il est sans doute plus juste d’intégrer le scénario d’une normalisation, à la hausse, de l’inflation et des taux d’intérêt. La croissance économique demeure robuste et globale (une situation assez rare), et généralement plus forte qu’attendue, aussi tardivement dans le cycle d’expansion. La confiance des entreprises reste proche de ses plus hauts historiques, comme les intentions d’investissement outre-Atlantique (selon l’indice Capex Plans).
De son côté, l’inflation n’a pas encore atteint les objectifs des banques centrales et il reste une certaine marge pour y parvenir : l’inflation sous-jacente aux Etats-Unis et en zone euro reste inférieur à l’objectif des banques centrales. Au vu du niveau actuel de la croissance potentielle, l’inflation aurait dû remonter il y a déjà trois ans. Cette désynchronisation tend à prouver que le lien entre croissance et inflation, selon les standards de la courbe de Philips, se révèle finalement assez ténu dans le cycle actuel.
Alors qu’un « choc » inflationniste est relativement peu probable, la Fed adopte une approche pragmatique dans le pilotage de son resserrement monétaire : la banque centrale devrait maintenir le rythme d’une hausse des taux directeurs par trimestre cette année. Or, ce processus de resserrement n’est pas encore intégralement pris en compte par les marchés obligataires qui, ces dernières années, ont toujours été en retard dans le pricing des hausses de taux. Cela doit inciter les investisseurs à rester prudents sur la duration de leur portefeuille obligataire.
Ces conditions militent en faveur d’une gestion obligataire active, fondée sur la recherche de performance absolue, autrement dit non contrainte par des indices de référence. Ce positionnement s’impose d’autant plus que les investisseurs de l’univers euro aggregate disposent toujours de peu de marge de manœuvre, pour absorber les futures hausses de taux.
Le premier enjeu est d’adopter une approche dynamique des durations et du risque crédit. Il s’agit d’une part de réduire l’exposition à la duration de taux d’intérêt, d’autre part de ventiler celle-ci par marché via une diversification globale de l’exposition aux taux. Pour l’allocation crédit, une stratégie d’exposition dite en « RASD » (Duration de spread ajustée au risque) offre la latitude nécessaire en vue d’adapter la sensibilité du portefeuille, au gré des conditions de marché.
Par ailleurs, savoir identifier et exploiter les opportunités en valeur relative, permet d’optimiser le profil rendement-risque du portefeuille et de son profil de liquidité. C’est ce qu’offre par exemple le recours à des stratégies d’instruments dérivés, dont le carry et le roll-down sont actuellement supérieurs à ceux des titres obligataires traditionnels de l’univers investment-grade, tant en euro qu’en dollar US.
Enfin, la robustesse des portefeuilles passe inévitablement par une fine sélection des instruments et segments obligataires. De ce point de vue, adresser le marché high yield à l’échelle globale et via des CDS est source de valeur. Les CDS sont moins chers que les obligations traditionnelles, pour une duration plus faible et une meilleure liquidité. De la même façon, la dette bancaire subordonnée est une classe d’actifs qui se distingue par d’excellents fondamentaux. Les ratios de fonds propres des banques américaines et européennes restent solides, proches de 12%, tandis que la profitabilité du secteur s’améliore, entre des charges en coûts légaux désormais en bonne partie soldées et une meilleure rémunération des prêts consentis aux agents économiques.
Christel Rendu de Lint
Head of Global & Absolute Return Fixed Income