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UBP dans la presse 23.03.2017

L’«exubérance rationnelle» des marchés

L’«exubérance rationnelle» des marchés

Le Temps - Le 5 décembre 1996, A. Greenspan évoquait pour la première fois la notion d’«exubérance irrationnelle» dans un discours resté célèbre, qui entraîna une première secousse sur les marchés.


En 2000, le livre de R. Shiller, intitulé justement «Exubérance irrationnelle», contribua au krach boursier qui vit le S&P 500 perdre près de 50% à la suite des excès de valorisation liés à la bulle technologique de la fin des années 1990. Nous assistons, depuis début 2017, à une sorte de «nirvana» sur les marchés, avec plus de vingt records successifs sur les grands indices américains, une volatilité au plus bas sur la plupart des catégories d’actifs, et une baisse des obligations qui, étonnamment, n’a aucune incidence sur les autres classes d’actifs. Cet optimisme généralisé et l’absence de volatilité amènent certains investisseurs à espérer que, cette fois-ci, l’exubérance des marchés est rationnelle, et donc durable. Mais au-delà de l’espoir, un climat d’euphorie aveugle n’est-il pas le signe précurseur d’une correction prochaine ?

Depuis l’élection de D. Trump, le scepticisme ambiant a laissé place à une vague d’enthousiasme qui balaie toutes les craintes. La publication de résultats d’entreprises pour une fois supérieurs aux attentes des analystes, la poursuite de l’embellie de la croissance européenne, et les effets pour l’instant très limités du Brexit sur l’économie britannique sont autant de bonnes nouvelles qui alimentent une hausse exceptionnelle des indices boursiers, notamment aux Etats-Unis, mais aussi en Europe. Sur les douze derniers mois, le rebond dépasse les 20% pour la plupart des indices boursiers mondiaux. Plusieurs records historiques ont été franchis et de nombreux indices sont récemment sortis par le haut de leur bande de fluctuation, ce qui est interprété par une majorité d’analystes techniques comme un nouveau départ vers des sommets bien supérieurs aux niveaux actuels. Certaines analyses prétendent même que des taux d’intérêt plus élevés (à la suite des multiples hausses de taux de la Fed prévues en 2017), un niveau de valorisation record des sociétés cotées aux Etats-Unis, et une volatilité durablement faible pourraient devenir la norme à long terme: il s’agirait là d’une forme de «bulle rationnelle» des marchés.

L’analyse des fondamentaux tend à mitiger cet optimisme béat. Même si le programme de D. Trump a réhabilité la notion de reflation, qui permet d’entretenir l’enthousiasme généralisé, il convient de rappeler que les échéances politiques, avec le manque de visibilité économique qu’elles impliquent, constituent une épée de Damoclès, que nul ne peut ignorer. Les élections prévues dans les grands pays européens sont toutes très incertaines et pourraient mettre en péril les fondements de l’UE. La mise en œuvre du Brexit aura lieu en 2017 et ses conséquences réelles apparaîtront graduellement. Les impacts positifs de la reflation aux Etats-Unis ne pourront se faire sentir que d’ici à plusieurs trimestres. Enfin et surtout, l’arrêt des programmes de rachat de titres par les banques centrales, s’il a lieu comme annoncé, marquera une rupture majeure par rapport à la situation actuelle. La fin de la garantie implicite que ces rachats ont constituée sur les cinq dernières années pourrait pénaliser les marchés actions et obligations.
 

Il est toujours hasardeux de prévoir l’explosion, ou la durée, des bulles spéculatives; c’est d’ailleurs le sujet principal des travaux de plusieurs prix Nobel récents. L’exemple de la fin des années 1990 doit nous inciter à une certaine prudence. En effet, le discours d’A. Greenspan en 1996 a précédé de plus de quatre ans l’explosion effective de la bulle internet. Les investisseurs qui avaient interprété ces propos comme un signal de sortie des marchés actions ont vendu à un niveau d’environ 6’500 sur le Dow Jones, qui a poursuivi sa hausse jusqu’en janvier 2000, pour atteindre près de 12'000 points. Il est donc difficile de considérer que l’accumulation d’éléments inquiétants constitue un signal de vente. Les gérants de portefeuille que nous sommes se doivent ainsi de capter ces phases de rebond, qui contribuent significativement à la performance historique des marchés, et notamment des actions. Cependant, dans cette période d’euphorie, la préservation du capital doit rester l’objectif principal d’une gestion de long terme et nous inciter à protéger nos investissements contre une vague de correction susceptible d’effacer les gains accumulés.

Aujourd’hui, les principales certitudes sont les suivantes: les marchés actions aux Etats-Unis atteignent des niveaux de valorisation que seule une perspective de croissance accélérée dans les prochaines années peut justifier, et les échéances électorales en Europe entraîneront un net regain de volatilité dans les mois à venir. La combinaison de ces deux éléments ne signifie toutefois pas une correction certaine dans les prochaines semaines, et il serait hasardeux de l’anticiper. On risquerait en effet de manquer une partie du rebond qui se poursuit actuellement. Cependant, il ne faut pas sous-estimer l’impact du retour de la volatilité sur la psychologie des investisseurs. Nous sommes dans une phase classique d’euphorie des marchés, qui se caractérise par une forte croyance dans un nouveau paradigme et le refus d’accepter les multiples alertes. Dans un portefeuille investi, cela peut conduire à un excès d’exposition au risque – un écueil que les gérants d’actifs doivent éviter.

L’analyse des cycles boursiers et la compréhension des bulles spéculatives sont au cœur de la recherche économique et financière récente. Eviter les corrections massives est certainement le Graal de tout gérant actif et constitue l’attente principale des clients privés et institutionnels. La phase actuelle d’euphorie des marchés doit nous conduire à protéger nos positions ainsi que les performances enregistrées ces derniers mois, tant sur les actions que sur les instruments de taux. Dans ce contexte, parier sur une exubérance rationnelle semble donc un choix plutôt risqué.

 


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Michel Longhini
CEO Private Banking

Expertise

Actions globales

Investir dans des sociétés affichant un profil de création de valeur supérieur et pérenne.


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